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CATHETERS VEINEUX ET ANTISEPTIQUES : QUESTIONS PRATIQUES
Speed Data avec Christian Dupont | Publié le 13/03/2020 à 11h47
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Les cathéters veineux périphériques et centraux exposent les patients qui les utilisent au risque infectieux. Une des principales parades à ces infections est l’emploi des antiseptiques pour éliminer la flore transitoire et réduire la flore commensale de la peau du patient avant l’insertion du cathéter, durant toute la période où il restera en place (pour les cathéters externalisés), avant chaque insertion d’aiguille de Huber. L’antiseptique sert également à la désinfection des dispositifs de perfusion comme les valves bidirectionnelles, les pavillons des robinets, les connexions des lignes de perfusions.
Un audit de connaissances réalisé auprès de 150 IDE, ESI et IDEL a mis en évidence des lacunes concernant l’emploi des antiseptiques dans la thérapie I.V.1,2,3.

Sans jugement, il semble intéressant de clarifier certains points. 

L'utilisation des antiseptiques - Christian Dupont (Paris)

  1. Quel(s) antiseptique(s) choisir pour désinfecter la peau du patient ?
    Il convient sur peau saine d’utiliser un antiseptique à large spectre, contenant au moins 70% d’alcool et dont l’action est prolongée4. La SF2H et la HAS préconisent ainsi des médicaments comme la chlorhexidine alcoolique à 0,5 ou 2% et la Povidone iodée alcoolique à 5%5. Pour info : 
    - L’alcool sert à augmenter la rapidité d’action de l’antiseptique. Il détruit la membrane de l’agent pathogène et y facilite l’entrée de la chlorhexidine ou de la povidone iodée ; l’agent infectieux sera ainsi plus rapidement détruit. C’est pour cette raison qu’il faut attendre que l’antiseptique soit sec avant de faire une brèche cutanée avec un cathéter ou d’appliquer un pansement. Si la surface est sèche, cela nous indique qu’elle est désinfectée.

    L’alcool n’abime pas la peau. Certains soignants le pensent mais ce sont souvent les mêmes qui appliquent des pansements alcoolisés sur la peau pour traiter des lymphangites. L’alcool n’abime pas la peau si, une fois appliqué, on le laisse s’évaporer. Cependant, si on l’applique chaud ou froid, dilué ou non avec de l’eau au moyen d’un pansement hermétique, son action sur les cellules de la peau est plus durable et devient dommageable.
    Pour information, ce type de pansement a peu d’efficacité. Contre la douleur, l’application de froid (contre indiqué en cas d’extravasation de certains produits), le drainage manuel de l’extravasation et la surélévation de l’avant-bras, ou un antalgique oral (sur PM) seront plus utiles au patient. De même, il convient de ne pas rincer l’antiseptique une fois sec. Le rincer, c’est se dispenser d’un effet prolongé de l’antiseptique.
     
  2. Comment utiliser les antiseptiques ?
    Comme tous les médicaments, le mode d’emploi est indiqué par le fabricant. De manière générale, l’antiseptique est appliqué sur une peau propre, dépourvue de souillures visibles.

  3. Qu’est-ce qu’une peau propre ?
    Il convient de ne pas s’égarer dans des discussions sans fin et de rester pratique. Il fait chaud, le patient transpire ; il souffre d’une infection respiratoire et tousse sur son torse ; il s’est hydraté la peau avec une crème de corps : Il convient de laver la peau pour réduire la contamination, ne pas altérer l’efficacité de l’antiseptique, favoriser la pénétration de l’antiseptique. Laver n’est pas « déterger ». 

  4. Avec quoi laver la peau ? 
    Un savon antiseptique de même gamme ou un savon doux type « savon de Marseille » sans parfum conviennent.

  5. Dans le cas où seul est à disposition un savon antiseptique d’une gamme différente de l’antiseptique cutané qui sera appliqué, est-il possible de l’utiliser ?
    La question se pose car il fut très souvent enseigné de ne pas mélanger des gammes de produits différentes. Deux études ont été réalisées sur les patients porteurs de CVC en mélangeant la chlorhexidine alcoolique et la Povidone iodée alcoolique à 5% sans aucun effet secondaires6,7. Ne pas mélanger était non recommandé à cause des antiseptiques mercuriels qui ne sont plus utilisés depuis longtemps. Cependant, pour plus de praticité et faciliter la communication, il est d'usage d’employer un savon et un antiseptique de la même gamme. 
  1. Existe-t-il des allergies aux antiseptiques ? 
    Oui mais elles sont rares. Des cas de chocs anaphylactiques liés à l’utilisation de chlorhexidine ont cependant été publiés8,9. Il est important de considérer le contexte d'utilisation de cet antiseptique lorsque l'incident est survenu.

  2. La povidone iodée est-elle contre-indiquée en cas d’allergie à l’iode ?
    L’allergie à l’iode n’existe pas car l’organisme a besoin d’iode pour fonctionner correctement. C’est à la povidone que l’on peut être allergique ou intolérant.

  3. Et sur la peau non saine ?
    La première chose à faire en ce cas est de juger s’il est possible d’utiliser le cathéter ou de perfuser la zone cutanée. Après consultation médicale et infirmière, l’application de povidone aqueuse à 10% peut être utilisée. Une réflexion d’équipe sert à peser le pour et le contre du geste.

  4. Mais si un patient peut a fait une réaction allergique à une produit de contraste iodé, peut-on utiliser chez lui un antiseptique iodé ?
    Oui car l’agent allergisant contenu dans le produit de contraste n’est pas l’iode.

  5. Et si un patient est allergique aux fruits de mer ou aux crustacés ?
    Même chose, les agents incriminés sont les protéines contenues dans ces aliments mais pas l’iode.

Les restrictions à l’usage de la povidone iodée alcoolique sont celles indiquées par les fabricants : les enfants de moins d’1 mois, les femmes enceintes durant le 2ème mois de grossesse et les femmes qui allaitent. C’est le principe de précaution qui dicte les restrictions chez l’adulte car la surface désinfectée est peu étendue (10 par 16 cm au maximum – un peu plus que le pansement recouvrant le cathéter) et l’application n’est pas répétée quotidiennement ; ce qui préserve la thyroïde de l’enfant. C’est important de le savoir si on n’a sous la main qu’un antiseptique recommandé mais iodé et un antiseptique non recommandé.

  1. Existe-t-il des résistances aux antiseptiques ?
    Des cas ont été rapportés de germes résistants à la chlorhexidine. Cet antiseptique est très répandu dans notre vie quotidienne (dentifrice…) mais ces résistances résultent principalement des toilettes de tout le corps à la chlorhexidine réalisées en service de réanimation. Aucune résistance à la poviodone iodée n’a été rapporté jusqu’à présent dans la littérature. 

  2. Comment désinfecter les surfaces inertes ?
    Avec les mêmes antiseptiques alcooliques que ceux utiliser sur la peau. Cependant, utilisés avec les valves bidirectionnelles, certains antiseptiques peuvent en altérer le mécanisme (ça colle). Aussi, il est préférable d’utiliser de l’alcool à 70% pour désinfecter les surfaces inertes.

  3. Mais l’alcool est « bactériostatique », il fixe les germes ! Dans ce cas pourquoi faire des FHA ?
    « Fixer les germes » consiste, pour le laborantin, à mettre du matériel biologique sur une lame de verre, en augmenter l’adhérence et à le rendre plus « lisible » en utilisant de l'alcool pur. Aujourd’hui tout cela n’est plus pratiqué dans nos établissements.
    Il a été parfois enseigné qu’un antiseptique s’applique sur une surface vivante et pas sur une surface inerte ; qu’un objet doit être décontaminé avec un désinfectant. Du moment que le produit est actif et n’altère pas la matière inerte, il peut être utilisé. Ainsi les valves bidirectionnelles passent-elles des tests de résistance à l’alcool notamment répertoriés depuis l’arrivée sur le marché des capuchons imprégnés de désinfectants. 

  4. Comment appliquer un antiseptique ?
    En mettre une quantité suffisante pour la surface à désinfecter donc bien imbiber l’interface et frotter.

  5. « Bon tout ça s’est bien beau mais les antiseptiques alcooliques, y’en n’a pas en ville »
    Contrairement à la Povidone iodée aqueuse à 10%, à l’Hypochlorite de Sodium (Dakin®), à la Biseptine®, la chlorhexidine alcoolique à 0,5 ou 2% et la Povidone alcoolique à 5% (et même l’alcool modifié à 70°) ne sont pas intégralement remboursés par la CNAM. Le patient doit payer une partie du produit même s’il a une prescription médicale, des droits ouverts à sa caisse de sécurité sociale et une ALD.

    Le vrai problème est autre :

    - La disponibilité en ville ne signifie pas forcément que le produit soit en stock à la pharmacie. De plus certaines références ne sont pas stockées chez les grossistes. Mais elles peuvent être commandées en direct auprès du fabricant sous 48 à 72 h.

    - Il arrive également que certains antiseptiques ne soient pas disponibles en ville car la demande des officines n’est pas importante. Il pourrait suffire que la prescription médicale de ces antiseptiques soit plus courante pour stimuler leur référencement par les grossistes.

En conclusion : 

L’antiseptique est un principe actif destiné à éliminer les germes sur la peau ou les dispositifs médicaux. Avant de l’utiliser l’infirmière doit savoir :

  • Si les propriétés intrinsèques du produits correspondent au résultat attendu
  • S’il est compatible avec la surface vivante ou non sur laquelle il est appliqué
  • Comment l’appliquer / en surveiller les effets indésirables
  • Quand en renouveler l’application.

Enfin, le stockage, la conservation après ouverture sont des éléments incontournables si l’on souhaite conserver les propriétés des produits.
En fait, les microbes, c’est déjà difficile à voir alors ne rendons pas les choses moins claires et considérons l’antiseptique comme ce qu’il est : un médicament avec des recommandations de bonnes utilisations.

Bibliographie :

  1. Dupont C., Lefalher B., De Bonne A., Le Hasif B., Kriegel I. - Antiseptiques et cathéters veineux (1ère partie). Objectifs Soins et Management 2017 ; n°257
  2. Dupont C., Lefalher B., De Bonne A., Le Hasif B., Kriegel I. - Antiseptiques et cathéters veineux (2ème partie). Objectifs Soins et Management 2017 ; n°258
  3. Lurton Y., Dupont C. Cathétérisme veineux, risque infectieux et antiseptiques. Dossier Santé log 2018 n°60
  4. SF2H. Recommandations pour la prévention des infections périphériques liées aux cathéters périphériques veineux et sous/cutanés. Mai 2019
  5. Commission de la transparence. Avis de la HAS sur Chloraprep coloré, solution pour application cutanée. 09 janvier 2019
  6. Langgartner J. Et al. Combined skin disinfection with chlorhexidine/propanol and aqueous povidone-iodine reduces bacterial colonisation of central venous catheters. Intensive Care Med.2004 Jun;30(6):1081-8. Epub 2004 Apr 15.
  7. Davis B.M., Patel H.C.. Does chlorhexidine and povidone-iodine preoperative antisepsis reduce surgical site infection in cranial neurosurgery? Ann R Coll Surg Engl.2016 Jul;98(6):405-8. doi: 10.1308/rcsann.2016.0143. Epub 2016 Apr 8.
  8. Paiano S., Seebach J., Hauser C.. Anaphylaxie aux antiseptiques.  Rev Med Suisse 2011; 7 : 838-41
  9. Schmutz J.-L., Barbaud A., Trechot P. Chlorhexidine et anaphylaxie - Annales de Dermatologie et de Vénéréologie. Vol 130, N° 6-7 - juin 2003 p. 674

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M Christian Dupont

Paris

infirmier coordinateur chez Hôpital Cochin

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